Introduction

Le trictrac est un jeu où, à la vérité , domine le hasard, dont l'influence, s'exerçant sur chaque coup, influe notablement sur les succès ou les revers ; mais ce hasard peut être modifié par des calculs. Pour y parvenir, l'habileté consiste à employer à propos la théorie des probabilités. Cette théorie, lorsqu'elle est bien connue et qu'on en sait faire une juste application, peut en partie régler ou du moins modifier cette influence du sort, et rendre probable ce qui par sa nature est incertain : c'est en cela que consiste la science du trictrac. Il est donc nécessaire de bien connaître les différents nombres de chances, d'en étudier les diverses combinaisons, et surtout de n'en jamais négliger l'application, même dans les coups qui pourraient paraître sans importance. Souvent le sort de toute une partie dépend d'un coup mal joué dans l'origine , et qui influe sur tous les suivants. On voit des joueurs se plaindre de la contrariété du sort et des rigueurs qu'il leur fait constamment éprouver, lorsqu'ils ne devraient imputer leurs revers qu'à leur négligence : car les mêmes coups qui sont contraires et désavantageux eussent peut-être été favorables si ces joueurs n'eussent pas eux-mêmes préparé la ruine de leur jeu par une conduite fautive et en opposi- tion avec les véritables principes.

Cette observation tend à prouver combien est nécessaire et indispensable la connaissance des Conseils que j'ai donnés, et spécialement des calculs qui en sont la base. En suivant les règles imprimées en lettres italiques, les joueurs connaîtront avec certitude et facilité les chances qui, dans les différentes positions, leur seront contraires ou favorables. Ces règles pourront être utiles même aux joueurs les plus exercés, parce qu'elles sont courtes et simples. Excepté dix ou douze, aucune de ces règles n'était connue.

Pour le classement des matières, j'ai suivi l'ordre le plus naturel, celui dans lequel se présentent les différents points. Après cette Introduction, j'ai donné la table des matières du premier volume, puis la table alphabétique des termes de ce jeu, avec le renvoi à tous les articles où il en est question. Le traité est divisé en cinq sections. La première contient les articles suivants : les commencements, les trois pleins, les autres jans et battre ; — la deuxième, points, trous, conventions sur les points gagnés ou donnés, s'en aller, écoles, nouvelles lois ; — la troisième présente les différents genres de parties; — la quatrième contient l'arithmétique; — la cinquième, les conseils.

Au jeu de trictrac, ainsi que dans les sciences et les arts d'une bien plus haute importance, la théorie, quoique nécessaire, est néanmoins insuffisante, si elle n'est accompagnée de la pratique. Cette pratique rend familière l'application des conseils fournis par la théorie. C'est par l'habitude que l'on acquiert ce prompt et facile coup d'œil qui fait saisir à l'instant même ce qui est important et ce qu'il faut faire, chose impossible à celui qui ne posséderait que la théorie. Ainsi l'une et l'autre se prêtent un mutuel appui ; l'une et l'autre contribuent à l'instruction du joueur. La théorie sans la pratique, la pratique sans la théorie, ne peuvent former que des joueurs médiocres.

Celui qui désire faire des progrès à ce jeu doit préférer se mesurer avec des joueurs qui lui sont supérieurs. C'est en méditant sur la manière dont ils jouent les coups difficiles ou décisifs , c'est en recherchant les motifs qui déterminent dans telle ou telle circonstance leur manière de jouer et en comparant leur méthode avec la sienne, qu'il peut se perfectionner et arriver au but où il aspire. Au contraire, avec un joueur d'une force inférieure ou même égale à la sienne, il ne peut espérer faire aucun progrès, parce qu'il n'a plus d'objet de comparaison. Il n'a rien qui excite son émulation, qui intéresse et pique . sa curiosité et stimule son désir de s'instruire. Il pourra même s'accoutumer, à négliger les conseils sur des points où il n'est pas encore bien affermi, et contracter ainsi l'habitude de jouer de caprice la plupart des coups, sans égard pour les calculs et les probabilités. Aux personnes qui veulent devenir d'une certaine force je ne puis trop recommander de faire les calculs faciles pour les coups un peu importants, et de suivre toujours les conseils donnés. Je crois avoir réussi à aplanir les difficultés de ce jeu, auquel on s'attache avec d'autant plus de prédilection qu'on le connaît mieux et qu'on s'y exerce davantage.